« Les douces violences » ???
Cet oxymore (figure de langage qui consiste à mettre ensemble deux termes contraires, ici « douces » et violences ») met en lumière un ensemble d’actes, d’attitudes, de réflexes, de mots, dont nous avons plus ou moins conscience, qui nous échappent lorsque nous nous occupons d’enfants, mais qui sont préjudiciables à sa sécurité affective et/ou à son développement.
On retrouve ces douces violences aussi bien dans la sphère familiale, que dans les différents lieux d’accueil de la petite enfance, ainsi que dans la vie de tous les jours.
Bien sûr, nous écarterons de cet ensemble, les actes de maltraitance avérée, parce que dans les douces violences, il n’y a, à priori, pas d’intention de faire du mal ou de nuire à l’enfant. Christine SCHUHL parle d’une « sorte de ressenti immédiat que l’adulte va faire vivre à l’enfant sans forcément prendre conscience de ses conséquences ».
Comment y remédier, repenser nos pratiques professionnelles ?
Aujourd’hui, l’objectif des lieux d’accueil du jeune enfant et de favoriser son développement physique et psychique.
Pour se faire, il est établi une prise en charge individualisée de chaque enfant en respectant son rythme et son histoire. Cet objectif n’est pas toujours atteint par manque de connaissances, de temps et/ou de matériel. Cette défaillance est génératrice des « douces violences ».
En conséquence, ces comportements déstabilisent et perturbent l’enfant dans son développement psychique.
Sylviane Giampino parle de la « dignité des tout-petits ». Elle explique que le jeune enfant est sensible aux faits et gestes de l’adulte. C’est par ce contact, cette proximité qu’il va élaborer une identité personnelle. Elle dit clairement qu’une atteinte à sa dignité est génératrice de séquelles et laisse une empreinte dans son inconscient.
Des gestes maladroits et incongrus, des jugements de valeurs, des paroles blessantes, des a priori, sont autant de moments brefs et fréquents qui mettent l’enfant en « situation d’insécurité affective ». Bien que l’adulte n’agisse pas dans l’intention de nuire à l’enfant néanmoins ce dernier subit ces actes irréfléchis comme une « douce violence ».
On note pour chacun de ces moments-là, un manque ou une négligence du respect de l’enfant en tant que personne. C’est par exemple des critiques ouvertes sur sa famille, des obligations, de faire sans explications (se déshabiller, finir son repas, jouer à telle activité, dormir alors que l’enfant na pas sommeil,etc) ou encore une dévalorisation de ses acquisitions. C’est aussi porter un jugement de valeur et surnommer l’enfant.
A cela s’ajoute, les attitudes de l’adulte qui réalisées par automatisme peuvent être à l’origine des « douces violences ». C’est donc par une analyse des actes quotidiens de la vie que l’on peut mettre en exergue ce qui valorise ou au contraire ce qui déprécie les acquisitions de l’enfant.
En outre, l’histoire personnelle de chacun ne doit pas interférer dans l’exercice de sa profession. C’est pourquoi, il est nécessaire de mettre une frontière entre vie privée et vie professionnelle pour garantir à l’enfant et sa famille une relation respectueuse.
Reconnaître que nous pratiquons des « douces violences » n’est pas chose aisée. Cependant, certaines de nos attitudes s’avèrent être néfastes pour la construction de la personnalité de l’enfant. Il nous incombe de veiller au bien-être de chacun d’eux. Parents et enfants placent leur confiance en nous et nous devons être sensibles à leurs attentes afin de ne pas les abuser.
Si nous dérivons vers la « douce violence », il nous faut le reconnaître et faire preuve d’humilité en le signifiant à l’enfant.
Gardons à l’esprit qu’il n’y a pas de « gentils » ou « méchants » enfants mais des êtres en devenir qu’il nous appartient d’accompagner et de valoriser.