La télévision pour les 6 mois à 3 ans est-elle une source de développement, de communication, d’apprentissage, d’imagination ou le dernier instrument qui permet de garder les enfants sans s’en occuper ?
Un enfant n’est pas un adulte en miniature. Lorsque l’adulte regarde la télévision, il peut imaginer que l’histoire pourrait se passer autrement, que le héros pourrait agir d’une autre manière…
L’adulte est capable d’interagir au travers de représentations internes. Le tout petit, lui, n’est pas encore capable d’avoir de telles attitudes mentales.
Chez le bébé, l’interactivité mentale a constamment besoin de s’appuyer sur l’engagement de la motricité et notamment sur la possibilité de manipuler les objets qui lui servent de supports représentatifs. La découverte du monde passe par l’engagement moteur (se déplacer, explorer, manipuler…), on parle alors d’ « intelligence sensori-motrice » pour désigner cette forme particulière de relation au monde du tout-petit.
C’est pourquoi, l’enfant installé dès le plus jeune âge devant la télévision sera littéralement privé de ce qui est essentiel à son développement.
L’enfant n’est pas un adulte en miniature pour lequel il faut adapter les programmes, mais un être qui a une relation au monde bien différente de la nôtre. Il a besoin de bras pour le tenir, de partenaires avec lesquels interagir et de jouets qu’il puisse déplacer à sa convenance.
Et si l’on commente ce que l’on voit, la TV peut-elle être un support adéquat ?
NON ! Avec un enfant de 1 an, voire 2 ans, le commentaire n’a pas tellement de sens pour l’enfant.
Il ne comprend pas ce que l’on veut lui expliquer. Bien sûr, il est important qu’il entende la voix d’un adulte mais elle n’a pas vraiment de valeur explicative pour lui car il n’en comprend pas la signification. L’enfant de 18 mois est plutôt sensible au rythme de la voix, aux intonations, au fait que l’adulte soit à côté de lui plutôt que dans la pièce à côté. C’est pourquoi, avant 3 ans, l’enfant a besoin d’une interactivité en vis-à-vis et non en « côte à côte » face à un écran, d’une interaction où il voit les mimiques de l’adulte et ses gestes.
Une interaction verbale côte à côte, assis chacun sur un fauteuil devant l’écran, c’est pour l’enfant de plus de 3 ans. Avant l’âge de 3 ans, elle n’est pas adaptée.
Pas de TV avant 3 ans, pourquoi ?
Les recherches montrent qu’exposer le bébé à une consommation importante de télévision peut entraîner des risques.
Le premier est que l’enfant manque d’interactions avec des objets et des supports de relation réelle.
Le développement de l’enfant passe par la motricité et la capacité d’interagir avec les différents objets qu’il rencontre.
Alors que l’interactivité est intrapsychique chez l’adulte et le grand enfant, elle a encore besoin de s’appuyer sur le corps et la sensori-motricité chez le jeune enfant. L’intelligence à cet âge est plus corporelle (sensori-motrice) que imagée ou conceptuelle.
Il est à craindre que le temps passé par l’enfant de moins de 3 ans devant la TV ne l’éloigne des activités motrices exploratoires et interhumaines, fondamentales pour son développement à cet âge.
Le deuxième risque est que le bébé apprenne très tôt à se constituer en spectateur du monde et pas du tout en tant qu’acteur, puisque la seule possibilité d’interaction offerte par un écran de TV est de changer de chaîne.
Le troisième risque est que l’enfant développe une véritable dépendance, non pas aux programmes mais à la fenêtre allumée d’un téléviseur.
De nombreux travaux d’éthologie, y compris appliqués à la relation mère-enfant, ont montré combien l’être humain est capable de s’accrocher aux éléments les plus présents de son environnement dès les débuts de la vie, et notamment à ceux dont il a l’impression qu’ils le regarde (ex : les petits oursons qui sourient dans un dessin animé).
Il est à craindre que de jeunes enfants confrontés sans cesse aux écrans ne développent une relation d’attachement aux personnages qui les « scotchent » dans la TV (et ce quel que soit le contenu du programme). Ces enfants ne pourraient se sentir « bien au monde » (autrement dit « sécurisés ») que si l’un de ces fameux écrans est allumé près d’eux.
La TV ne doit jamais être conseillée avant l’âge de 3 ans, quelle que soit la qualité des programmes, parce que justement, ce n’est pas une question de programme comme nous l’avons vu ci-dessus.
Bien sûr les gens qui grandissent aujourd’hui n’auront pas de peine dans l’avenir à trouver toujours un écran allumé près d’eux. Il reste à faire attention à ce que les écrans ne remplacent pas les relations réelles.
Références :
Le bébé et l’écran, Psycho Média,Serge Tisseron, 2007.