Éducateurs, instituteurs, parents, nous cherchons tous à donner du sens à nos pratiques et surtout à comprendre l’intérêt que les comptines peuvent avoir pour les enfants.

La première des choses à noter est que tous les chants, quels qu’ils soient, sont porteurs d’une culture et de messages pour celui qui les écoute :

• Transmission d’un savoir, d’un savoir-faire
• Transmission d’une culture
• Transmission d’une croyance…

 Mimer et chanter des comptines, fredonner… un moment de complicité, de confiance

Réciter une comptine est également un moment de convivialité, d’échange et de jeu sonore.

Lorsque que l’on chante « Badedi Bedon » à un enfant, cela peut avoir un lien avoir une douleur au ventre et permettre d’oublier un instant, de détourner l’attention quelques secondes de la douleur ressentie : « Babedi bedon, j’ai mal à ma bedaine, Badedi bedon, j’ai mal à mon bedon ».

Cela peut également être un moment de complicité où les sonorités se mélangent, se répètent…

Pour le tout-petit, pour qui le sens des mots reste encore à construire, la berceuse est une enveloppe sonore comme l’explique Patrick Kersalé.

La voix et la proximité corporelle vont jouer un rôle essentiel dans son sentiment de sécurité. L’adulte penché sur l’enfant, pose un regard bienveillant ou complice sur le tout-petit qui perçoit ainsi son existence à travers ses yeux, ce qui lui permet entre autres de développer son estime de soi.

Les petits jeux sur le corps, liés à la comptine permettent, avec le regard, à l’enfant de se sentir unifié.

Les chansons, comptines et autres ritournelles, véritable acteur dans le développement social de l’enfant

Très vite, l’enfant ne sera plus simple spectateur de ces petites comptines mais sera également acteur.

Lorsque l’enfant commence son babillage, et que l’on reprend ses sonorités prononcées, un jeu musical débute, crée de la relation et incite l’enfant à poursuivre l’exercice de la vocalisation.

En grandissant, lorsque l’enfant apprend le langage, ces comptines sont autant de jeux phonétiques et auditifs auxquels il va s’amuser pour maîtriser son élocution, mais également pour s’intégrer socialement dans un groupe.

En effet, le tout-petit se construit en se différenciant et s’identifiant aux autres (enfants et adultes), en apportant sa propre culture mais également en partageant les mêmes jeux.

Ces chansons permettent également :

• de se construire en fournissant à l’enfant de quoi s’identifier, se situer comme un être unique et distinct des autres (« Quand trois poules vont au champ ») 
• de s’approprier des émotions, exprimer des angoisses et des désirs (« Trois p’tits minous »)

 Les comptines jouent donc un rôle important de médiateur dans les relations adulte-enfants mais également entre enfants.

Chanter pour découvrir le monde

En créant sa propre identité, en se sentant sécurisé, l’enfant peut ainsi aller vers le monde qui l’entoure avec moins de crainte. Les comptines alliant les mots avec les balancements ou les chutes (« Bateau sur l’eau »), l’enfant expérimente la séparation et le plaisir des retrouvailles…

Un aspect encore plus important, trop méconnu, est le rôle transitionnel que la chanson joue pour l’enfant. Winnicott présente comme nécessaires des objets ou des rituels transitionnels, pour que le tout-petit se sépare de ses figures d’attachement.

La comptine chantée et apprise par le parent à son enfant fait partie d’une aire transitionnelle, évocatrice de leur lien, de la sécurité physique et psychique qui y est rattachée.

Ainsi en l’absence de ces figures d’attachement, le fait de répéter ces petites chansons, permet à l’enfant de se sécuriser et d’explorer le monde.

En conclusion

 Les chansons pour enfant, les comptines, ont vraiment de nombreux intérêts pour le développement cognitif, social, langagier et moteur de l’enfant… C’est pour cela qu’il est important de continuer de faire vivre ce patrimoine en constante évolution mais malheureusement souvent délaissé car considéré comme dépassé.

Il est également important, dans notre monde où nous sommes tous en constante relation les uns avec les autres, avec différentes cultures, de faire découvrir aux enfants ces autres façons de chanter (« comptines du monde »).

Pour terminer, il faut rappeler que TOUS les enfants ont besoin de musique, de chansons et de comptines…

Un enfant déficient visuel profitera des comptines à gestes qui permettront un contact peau à peau et lui donneront la possibilité d’imaginer et de ressentir son corps, tout comme en profitera un enfant en situation de handicap ou atteint d’une maladie rendant son corps douloureux.

Quant aux enfants en difficulté sociale (placement notamment), les comptines devraient faire partie intégrante du quotidien de leur structure, car elles permettent de créer des relations de confiance, de complicité avec l’adulte, mais également entre enfants.

 

Source : EJE Journal, #55, Octobre-novembre 2015.