Théorie de l’Attachement

Capture-th-attachementPetite histoire de la théorie de l’attachement

         En effet, la théorie de l’attachement n’a seulement été énoncée par le psychanalyste de John Bowlby qu’au milieu du 2Oème siècle. Ce sont les psychanalystes René Spitz¹ et Anna Freud qui l’orientent sur ce chemin en découvrant qu’après la guerre, les bébés orphelins qui avaient été envoyés  dans les orphelinats différents autour de Londres, n’avaient pas le même développement selon la manière dont ils étaient entourés.

Ils ont alors postulé que ce qui se trouve autour du bébé influence son développement et sa santé.

John Bowlby établit un rapport² pour l’OMS en 1951 sur les effets de la privation de soins maternels sur la santé mentale des jeunes enfants. Il emploie pour la première fois le terme « d’attachement », issu du langage courant, pour qualifier la tendance que les jeunes enfants ont à se lier avec leurs parents. Selon lui, c’est une fonction biologique nécessaire à leur survie.

Dès le départ, bien que John Bowlby parle de carence en soins maternels, il mentionne aussi que « le système familial le plus protecteur pour l’enfant est le système familial à multiples attachements ». Ce que reprend Boris Cyrulnik³ lorsqu’il dit que, certes la mère représente la figure d’attachement prioritaire, étoiles la plus brillante dans la constellation du bébé, mais que d’autres figures d’attachement secondaires existent et sont également très importantes, dont celle du père, du reste de la famille et aussi celles des professionnels d’accueil de la petite enfance.

         Nous avons aussi appris qu’un enfant isolé ou mal entouré ne se développe pas ou pas bien. Ce qui est aujourd’hui confirmé par l’imagerie cérébrale qui montre que l’enveloppe sensorielle du bébé transforme favorablement son cerveau.

Les bébés isolés, présentent, eux, un déficit de développement du lobe préfrontal. Or ce lobe sert à moduler une zone cérébrale agissant sur le traitement de la peur et des émotions.

Ces enfants sont impulsifs, indifférents, avec un faible quotient intellectuel et vivent toute stimulation émotionnelle comme une situation d’agression. Ils sont en danger si rien n’est fait pour leur permettre de rétablir un attachement et de reprendre un nouveau développement. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui la résilience. L’attachement est donc un lien vital* pour l’enfant.

 

La théorie de l’attachement en quelques mots 

C’est une théorie développée dans la seconde partie du 20eme siècle par le psychanalyste anglais, John Bowlby (1907-1990), qui stipule que le bébé a besoin d’une figure d’attachement pour se développer. L’attachement est un système comportemental inné de recherche de proximité avec un adulte qui contribue à la survie du bébé.

Nous savons aujourd’hui que pour survivre et vivre correctement, un enfant a besoin de créer un lien sécurisant avec au moins un adulte qui devient sa figure d’attachement prioritaire. Mais cette connaissance n’a pas toujours été.

 

Lexique de l’attachement 

Le caregiving est l’ensemble des soins et des réponses apportés par l’adulte aux besoins de l’enfant. On parle aussi de comportement de maternage. Le caregiver est la personne qui donne les soins à l’enfant, qui s’occupe de lui.

Le Bonding représente les liens qui unissent les parents, les adultes aux enfants. On emploie ce terme pour différencier l’attachement qui est le lien qui part de l’enfant.

L’enfant sécure est un enfant qui a réussi à développer un lien d’attachement avec au moins une figure d’attachement. Il est sécurisé lorsque sa figure d’attachement est présente et peut aller jouer. Il se rassure vite après un temps de séparation qui alerte son système d’attachement. L’attachement sécure est prédictif d’un développement émotionnel, social et cognitif de bonne qualité.

L’enfant insécure est un enfant dont le lien d’attachement avec sa figure principale n’est pas satisfaisant et montre des troubles significatifs de stress. Son attachement est dit évitant lorsque l’enfant montre des signes d’autonomie affective et s’intéresse peu à sa figure d’attachement, comme s’il n’avait pas vraiment besoin d’elle. Il ne montre pas sa souffrance et adopte un comportement de retrait.        

Son attachement est dit ambivalent lorsque l’enfant maximise les besoins de proximité au détriment de ses capacités exploratoires, comme s’il exagérait sa détresse pour faire réagir sa figure d’attachement. Même en présence de sa figure d’attachement, il reste stressé et peut réagir avec violence envers elle. C’est en cela qu’il est dit ambivalent.

Son attachement est dit désorganisé lorsqu’il est impossible de prévoir les réactions de l’enfant avec sa figure d’attachement tant elles peuvent être contradictoires. Parfois il est évitant, d’autre fois il manifeste de l’appréhension vis-à-vis de sa figure d’attachement, d’autre fois encore il maximise son besoin de proximité avec elle. Cet attachement confus, désorganisé, est le signe d’un stress et d’une souffrance importante de l’enfant et est prédictif de troubles ultérieurs.

 

La sécurité affective est la sécurité donnée à l’enfant par la présence de sa figure d’attachement.

Il ne faut pas confondre sécurité affective et lien d’attachement sécure.

 

Sécurité affective lien d’attachement sécure :

Pour être sécurisé, l’enfant a besoin de sa figure d’attachement auprès de lui.

Un enfant sécure est un enfant qui, même si sa figure d’attachement s’éloigne, continue à aller bien car cette dernière demeure dans sa mémoire, dans le style affectif qu’il a acquis à son contact. Plus l’enfant est petit, plus il a besoin de cette sécurité affective pour asseoir son lien d’attachement. Ensuite, ce lien fonctionne même en l’absence de la figure d’attachement.

 

La figure d’attachement principale est généralement la mère qui possède la priorité de sa présence dans la niche sensorielle de l’enfant. Mais dès la naissance, le bébé crée des liens d’attachement avec son père ou avec les personnes qui prennent régulièrement soin de lui. Un enfant peut avoir un lien d’attachement insecure avec sa mère et sécure avec son père.

 

Les figures d’attachement secondaires sont l’ensemble des personnes avec lesquelles l’enfant créé des liens d’attachement. Le bébé hiérarchise ses figures d’attachement. Cela ne veut pas dire qu’il aime plus telle ou telle personne, mais que ces dernières lui offrent plus ou moins de sécurité. Celles qui répondent de manière la plus appropriée et s’investissent dans la relation, occupent une place prioritaire. La personne qui lui donne le plus grand sentiment de sécurité est généralement sa figure d’attachement principale. Une nouvelle figure d’attachement ne prend jamais la place d’une autre, elle s’ajoute.

 

Le soutien au processus d’attachement est un rôle des professionnels de la petite enfance. Il comporte : une information donnée aux parents sur ce qu’est le phénomène d’attachement et l’importance qu’il revêt pour leur enfant, un aménagement des pratiques d’arrivée et de départ prenant en considération les modes de séparation et de retrouvailles entre l’enfant et se parents et favorisant la triangulation, la mise en place de liens de proximité entre les professionnels et les parents dans le cadre d’un partenariat et d’une confiance réciproque.

 

La disponibilité affective est aussi une composante professionnelle importante. C’est la capacité émotionnelle à recevoir un enfant et à créer des liens affectifs avec lui afin de favoriser une relation intersubjective basée sur la proximité et l’affection, tout en laissant toujours à l’enfant l’initiative de la demande affective.

 

A quoi l’attachement sert-il ?

On parle d‘attachement pour ce qui concerne les liens que le bébé établit avec ses proches et de « bonding » pour les liens que les parents établissent avec le bébé, de « cargiving » (prestations de soins) pour les comportements de maternage suscités par le lien qui unit les parents et le bébé.

 

Pour Pierre Rousseau**, spécialiste des interactions précoces, ce système de l’attachement d’un côté et de « bonding », « caregiving » de l’autre, est un système motivationnel que nous possédons tous en nous et qui est basé sur deux axes : le fait de rester en vie et celui de transmettre la vie.

En effet, le bébé « s’attache » car il ne peut survivre sans ses parents et les parents font preuve de « bonding » et de « caregiving » car ils protègent leur enfant à qui ils ont donné la vie. C’est ce même système qui motive les professionnels de la petite enfance à s’occuper des petits, bien qu’ils ne soient pas leurs parents. Ils créent des liens (bonding) avec les enfants qu’on leur a confiés et répondent à leurs besoins d’attachement par des soins les plus appropriés (caregiving).

L’enfant s’attache aux professionnels et cet attachement lui donne la sécurité et la force dont il a besoin pour découvrir le monde. C’est donc un bénéfice important pour sa survie, même si cela entraîne aussi une certaine dépendance affective.

 

Mais il existe un autre versant de la théorie de l’attachement, c’est l‘EXPLORATION. Le système de l’exploration sert à la compréhension de son environnement par le bébé, et donc d’une certaine manière à sa survie également. En effet en connaissant mieux le monde qui l’entoure, le bébé améliore ses propres ressources et ses connaissances pour lutter contre les dangers. Ce couplage ATTACHEMENT-EXPLORATION fonctionne de pair.

En devenant plus autonome, l’enfant s’éloigne de sa figure d’attachement. Lorsqu’il est trop éloigné, le système de l’attachement se met à nouveau en route et l’enfant se rapproche de sa figure, laissant de côté l’exploration. Une fois rassuré, il repart à l’aventure. Les deux systèmes sont liés et nécessaires. Un attachement trop enfermant entraînerait une impossibilité d’explorer, alors qu’une absence ne permettrait pas à l’enfant d’être assez sécurisé pour aller explorer.

 

Le bébé est acteur de son attachement

         Chaque fois que le bébé est en danger, il crie, s’agrippe, cherche du regard une figure d’attachement qui est alors alertée et répond au besoin de sécurité de l’enfant.

Il pleure pour signaler son malaise, tend les bras pour être protégé ou pour protester.

 

         Les pleurs des bébés ne sont jamais des caprices, mais des appels à l’aide.

Lorsqu’on répond aux pleurs des bébés, on permet la sécurisation de son système d’attachement. Petit à petit, cette nécessaire proximité avec une figure d’attachement, qui éteint l’alarme et permet le réconfort de l’enfant, peut se détendre. L’enfant peut se contenter de savoir qu’il a une figure d’attachement disponible en cas de besoin, sans l’avoir constamment à côté de lui. Puis il peut également la porter en lui sans  qu’elle soit présente à ses côtés.

         L’attachement du bébé se porte toujours sur des personnes de son entourage proche. Ce sont les personnes qui s’occupent de lui dans les premiers mois de sa vie qui, en étant ses « caregivers », deviennent de potentielles figures d’attachement.

 

         Récemment, le rôle d’une hormone, l’ocytocine, a été mis en évidence dans le système de l’attachement. En situation de stress, le corps sécrète une hormone appelée cortisol, qui lorsqu’il est trop fréquent ou trop abondant, est néfaste pour le cerveau du bébé.

A l’inverse, dans les situations d’apaisement, l’ocytocine est sécrétée et protège le cerveau de l’enfant. Elle serait l’hormone anti-stress.

 

Blaise Pierrehumbert6 montre que dans des situations de stress, les enfants « secures » arrivent à activer leur système neuro-endocrinien pour produire de l’ocytocine. Elles sont capables de « mimer » dans leur corps la présence de l’autre.

 

La figure d’attachement principale est généralement la personne qui s’est le plus occupée de lui depuis sa naissance. Le plus souvent il s’agit de la mère du bébé. C’est la personne dont la présence à ses côtés lui donne le plus grand sentiment de sécurité et vers laquelle il se tourne prioritairement en cas de stress.

En son absence, les figures d’attachement secondaires prennent le relais pour sécuriser l’enfant. Les professionnels de la petite enfance, qui s’occupent régulièrement d’un bébé, deviennent des figures d’attachement secondaires. Cette hiérarchisation de ses figures d’attachement est importante pour le bébé. Elles jouent un rôle dans son développement cognitif et relationnel, dans la régulation de ses émotions, comme de son système d’alarme contre le stress.

 

Les styles d’attachement et leur impact

         Les styles d’attachement sont dits « secures » lorsque l’enfant proteste à la séparation de la figure d’attachement et se rassure quand elle revient en se rapprochant d’elle puis en retournant jouer une fois sécurisé. Cela correspond généralement à 60% de la population enfantine.

 

         Les styles d’attachement sont dits « insures » dans deux situations différentes :

  • d’une part lorsque le bébé paraît peu affecté par la séparation et fait plus attention à son jeu qu’aux adultes. Il ne recherche pas la proximité de sa figure d’attachement lorsqu’elle revient et peut éventuellement être consolé par la personne inconnue. On dit alors qu’il s’agit d’un attachement « évitant ». Cela concerne 20% de la population enfantine totale.

 

  • D’autre part, lorsque le bébé montre de la détresse à la séparation, mais aussi de la colère et du rejet lors des retrouvailles de sa figure d’attachement. Il a du mal à être réconforté et sécurisé par elle. On parle alors d’attachement « ambivalent » pour 10% de la population enfantine totale.

 

         Il existe aussi des bébés dont il est impossible de comprendre le style d’attachement (10% de la population enfantine totale). Ils ont des comportements très contradictoires, peuvent tout autant se réfugier dans les bras d’un adulte ou le frapper la seconde qui suit ou se mettre à pleurer ou manifester de la peur.

Les enfants qui ont un attachement « secure » ont un meilleur développement cognitif, émotionnel et social. Ils ont confiance en eux et font preuve d’empathie avec les autres. On peut sans doute dire que le style d’attachement sécure est un facteur favorable et protecteur pour l’enfant.

A l’inverse, les enfants qui ont acquis un style d’attachement insécure développent des facteurs de risque liés au stress et présentent des comportements qui marquent leur souffrance psychologique.

Quant aux enfants ayant un style d’attachement désorganisé, ils sont très vulnérables et peuvent présenter ultérieurement des troubles du développement cognitif et des troubles du comportement importants.

 

Les raisons des troubles de l’attachement

         Pour être un « caregiver », il faut certes une présence physique, mais surtout une disponibilité émotionnelle. Il faut être capable de porter une attention suffisante aux signes du bébé pour pouvoir y répondre de manière appropriée, savoir reconnaître les raisons de sa détresse pour agir en conséquence, savoir interpréter ses signes non verbaux et ses cris de manière cohérente. Cette cohérence devient alors un facteur prévisible et donc sécurisant pour l’enfant.

         Pour le professionnel comme pour les parents, pour pouvoir sécuriser un enfant, il faut être soi-même sécurisé.

L’environnement doit être plus chaleureux et humain qu’institutionnel et doit aussi contribuer à l’aventure exploratoire de l’enfant sans arrières pensées sécuritaires risquant de se transformer en empêchements pour l’enfant.

         A l’école aussi, les liens d’attachement sont importants. Agnès Pommier de Santi montre dans sa thèse deux éléments :

  • D’une part, les jeunes enfants sécures sont en situation plus favorable pour effectuer leurs apprentissages. Ils n’hésitent pas à demander de l’aide, ne stressent pas quand ils ne comprennent pas et restent concentrés plus longuement. Alors que les enfants insécures n’osent pas demander d’aide et se désorganisent dans leurs apprentissages dès lors qu’ils sont en situation difficile. L’école peut alors devenir une source d’angoisse pour eux, de solitude ou de frustration.

 

  • D’autre part, elle montre que les jeunes enfants insécures, lorsqu’ils peuvent avoir une proximité physique et affective avec leur professeur, entrent plus facilement dans les apprentissages.

 

Les professeurs doivent activer le système d’attachement de ces enfants avant de leur proposer l’aventure vers les apprentissages. Si ce n’est pas fait, l’enfant entre dans un cercle vicieux risqué pour sa scolarité et son avenir.

 

¹- Réné Spitz, La première année de la vie de l’enfant, Puf, 1953.

²- John Bowlby, Soins maternels et santé mentale, OMS, 1951.

3– Boris Cyrulnik, Les âmes blessées, Odile Jacob, 2014. www.boris-cyrulnik-ipe.fr

4– Nicole Guedeney, L’attachement, un lien vital, Yapoka, Fabert, 2010.

5– Pierre Rousseau, cours donnés à l’Institut Petite Enfance-Boris Cyrulnik, 2014.

6– Blaise Pierrehumbert, Le stress : ocytocine et attachement, in Sciences et Psy N°1, 2014.

7– Agnès Pommier de Santi, Le lien entre relation affective et relation éducative, séminaire de l’Institut Petite Enfance-Boris Cyrulnik, 2014.

 

 

 

Source : JDPPetite Enfance, janvier/février 2015, N°92.

Voir aussi vidéo d’une conférence menée par Boris Cyrulnik : La biologie de l’Attachement.

 

 

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